« L’empreinte immunitaire » est un phénomène par lequel l’exposition initiale à une souche virale amorce efficacement la mémoire des lymphocytes B et limite le développement des lymphocytes B “mémoire” et des anticorps neutralisants contre les nouvelles mutations mineures du virus.
En gros, des expositions répétées à une configuration donnée d’un virus induisent, dans le système immunitaire, une propension à reproduire la même série de défenses en “imprimant” ce schéma dans la mémoire du sytème.
Plutôt que de refaire une analyse complète de l’intrus, le système va alors se rappeler qu’il a déjà vu quelque chose de similaire et générer la même réponse défensive que ce qu’il a déjà fait par le passé.
Le “hic” réside dans l’inadéquation de cette réponse avec les caractéristiques modifiées de l’intrus puisque les défenses mises en place attendent un ennemi qu’elles ne reconnaissent pas.
Il n’y a alors que peu, ou pas, de neutralisation.
Ce phénomène a, dès le début des campagnes de vaccination en 2021, été anticipé par des biologistes, micro-biologistes ou virologues alors qualifiés en “istes”.
Cependant, en septembre 2021, un papier paru dans le très sérieux “The National Center for Biotechnology Information” expliquait déjà, sous le couvert prudent d’une “théorie possible”, que : “However, boosting with the Beta variant vaccine in the preprimed group resulted in better neutralization of the ancestral SARS-CoV-2 strain than the Beta strain. This suggests that immune imprinting of the response may have occurred.”
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8440232/#s0015title
Ou, en français :
“Cependant, l’administration du vaccin de la variante Beta dans le groupe préamorcé a entraîné une meilleure neutralisation de la souche ancestrale du SRAS-CoV-2 que de la souche Beta. Cela suggère qu’une empreinte immunitaire (immune imprinting) de la réponse a pu se produire.”
Par ailleurs, les auteurs précisent que :
“ Il est possible qu’une exposition en série à plusieurs souches apparentées soit nécessaire pour » imprimer » le plus efficacement possible les réponses immunitaires des lymphocytes B en mémoire aux souches ancestrales de SRAS-CoV-2 et, par conséquent, limiter les réponses des anticorps neutralisants aux nouvelles souches. Les anticorps non neutralisants et les réponses des lymphocytes T aux épitopes conservés dans le SRAS-CoV-2 joueront un rôle dans l’immunité contre les nouveaux variants, mais ils pourraient être moins protecteurs que les réponses des anticorps neutralisants. Alors que le monde s’efforce de maîtriser le SRAS-CoV-2 dans les années à venir, il est probable que les vaccinations ou les infections récurrentes deviendront courantes et que l’empreinte immunitaire deviendra une question de plus en plus importante à prendre en compte.”
Nous voilà donc en présence de l’évolution d’une soit-disant théorie de “complotistes” vers une possibilité établie par des scientifiques plus “conformistes”.
Plus d’un an après, c’est à dire maintenant, les papiers traitant de ce sujet “immune imprinting” sont de plus en plus fréquents et corroborent les hypothèses émises au travers d’études in vitro (principalement).
En juillet de cette année, le New-York Times se fendait d’une explication assez bien faite sur le sujet :
https://www.ft.com/content/4f71ac72-0aff-4aec-9fc6-16c061eed9bf
Parfois, ces études sont relayées par des pontes de la vaccinolâtrie tel que Eric Topol.
L’étude dont il parle – Imprinted SARS-CoV-2 humoral immunity induces convergent Omicron se trouve ici :
https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2022.09.15.507787v4
Il s’agit de la 4éme mise à jour en quelques semaines. A chaque fois, de nouveaux variants sont ajoutés.
Cette étude mentionne 13 fois la notion de ”imprinting”.
Elle montre comment se comportent les nouveaux variants dans du serum prélevé chez des humains selon différents cas de figures :
– Vaccinés 3 doses sans infections
– Vaccinés 3 doses infectés avec Omicron BA.1
– Vaccinés 3 dose infectés avec Omicron BA.2, et enfin,
– Vaccinés 3 doses infectés avec Omicron BA.5
Bien que tous les résultats aillent dans la même direction, le plus intéressant est celui lié au dernier cas de figure : les personnes vaccinées 3 doses et infectées par le BA.5. C’est évidemment parce que c’est la souche courante, mais déclinante au profit de BQ.1.1 (en Europe), dont on parle.
Lorsque les chercheurs soumettent le serum à la souche originale (D614G), on voit que la représentation des anticorps neutralisants est grande (1136). Dans une moindre mesure (508), l’action sur le BA.4/5 reste raisonnable.
Mais dès que BQ.1.1 ou XBB entrent dans la danse, c’est le désastre avec des valeurs de 26-27.
Comme ce tableau est réalisé en valeurs logarithmiques, j’ai traduit les données selon une échelle linéaire pour que vous puissiez vous faire une meilleure idée des différences.
Vous aurez remarqué que les auteurs de cette étude s’intéressent au Coronavac, le vaccin chinois.
Dans la discussion, ils précisent que :
“Dans ce travail, nous avons montré que l’évolution convergente des RBD peut provoquer une évasion immunitaire sévère. Compte tenu de l’existence de l’empreinte immunitaire, le répertoire immunitaire humoral n’est pas efficacement diversifié par l’infection avec de nouveaux variants d’Omicron, tandis que la pression immunitaire sur le RBD devient de plus en plus concentrée et favorise l’évolution convergente, ce qui constitue un grand défi pour les vaccins et les anticorps actuels”.
Voici ce qu’ils disent par rapport à ce qu’il se passerait avec un vaccin à ARN messager :
“Bien que cette étude ne porte que sur les vaccins inactivés, l’empreinte immunitaire est également observée chez les personnes recevant des vaccins à ARNm. En fait, les personnes vaccinées par ARNm présentaient une proportion encore plus élevée de cellules B à mémoire à réaction croisée, probablement parce que la réponse immunitaire humorale globale induite par les vaccins à ARNm est plus forte que celle induite par les vaccins inactivés. De plus, des études récentes sur des personnes vaccinées par ARNm ayant reçu un rappel de BA.5 ou une infection BA.5 ont montré une tendance similaire de réduction de la neutralisation contre BA.2.75.2, BQ.1 et BQ.1.1, ce qui suggère une grande cohérence des données de neutralisation entre les types de vaccins”.
Que peut-on apprendre de tout cela ?
La première chose, la plus évidente, est que des expositions répétées à une configuration définie d’un virus entraînent le système immunitaire à mémoriser une réponse qui se révèle de moins en moins appropriée.
La deuxième chose, moins évidente, est que les personnes ayant reçues 3 ou 4, voire 5 doses ont vu leur système immunitaire être conditionné à offrir une réponse pré-formatée, ce qui est moins le cas chez des personnes non-vaccinées. La réponse immunitaire pourrait donc être assez différente en terme d’efficacité face aux nouvelles versions.
Je rappelle aussi que le vaccin ne stimule qu’une portion de la réponse immunitaire puisque seule la protéine spike est présentée, et qu’il manque la partie nasopharyngée tandis que les personnes non-vaccinées développent une immunité “globale” face au virus dans son entièreté (et pas seulement la protéine spike).
Je ne suis pas devin. Il convient donc de rester prudent et de suivre l’évolution des réponses immunitaires tant chez les personnes vaccinées que chez les personnes non-vaccinées.
Note
En Belgique, la vaccination avec le bivalent BA.4/5 concerne, au 1er Novembre 2022, 296 mille personnes. C’est la courbe orange sur le graphique ci-dessous.
Ce tableau inclut les doses 3,4 et 5/